Spicilège

Bain de déjouvence

Je me croyais seul. J’étais dans mon bain shampouiné. Normalement, personne à la maison. Pourtant, dans le silence, je percevais maintenant le bruit étouffé d’une personne montant dans l’escalier. Qui pouvait grimper à l’étage ? Les enfants étaient partis et mon épouse au travail.

Je me concentrais pour être certain de ce que j’interprétais. Je devais en être sûr, avant que la peur ne m’oblige à sortir, la tête pleine de mousse, pour affronter nu, cette intrusion hostile. Paradoxe ; je fermais les yeux, pour mieux entendre. C’était bien un bruit de pas. Ou tout du moins, c’est comme ça que je le ressentais.

Mais en me concentrant davantage, je compris qu’il s’agissait des battements de mon cœur, qui pulsaient au niveau de mes tempes. Le genre de bruit auquel on ne fait pas attention d’ordinaire. Cela me rassura. Pour un temps.

Car je me mis à visualiser un petit personnage gravissant l’escalier de mes artères. Il était vêtu de noir, et n’avait pas de visage sur l’os de son crâne. Je compris.

C’était la mort qui montait me chercher. Et je réalisais avec effroi, que dans ces moments-là, on est seul ; toujours seul. Et j’étais seul. Irrémédiablement.